A propos

Depuis 2011, nous menons une enquête au long court à partir de la nouvelle d’Edgar Allan Poe « Une descente dans le maelström » (1841). Considérant cette nouvelle comme un puissant outil de pensée, nous procédons à une collecte d’objets, de témoignages et de récits qui s’attachent à celui de Poe, permettant d’interroger les enjeux liés à la perception des risques environnementaux, et d’expérimenter les possibilités offertes par les récits et la fiction d’ouvrir de nouveaux espaces pour l’action.

Evocation du sort de trois marins pris au piège d’un gigantesque maelström (tourbillon) au nord de la Norvège, la nouvelle de Poe a souvent été reprise par des penseurs et théoriciens pour concevoir les dynamiques d’interdépendance entre l’homme et son environnement, dans une situation de danger imminent. En particulier, y est représentée de manière exemplaire la possibilité pour des acteurs intégrés à un environnement donné – qu’il s’agisse d’une environnement social, politique ou écologique – de saisir les dynamiques complexes de son évolution pour adapter leurs actions et éviter la catastrophe. Dans le récit, l’un des trois marins va progressivement parvenir à maîtriser sa peur, pour oberver l’ensemble des objets pris avec lui dans le maelström. De son observation empirique, il déduit une relation causale entre la forme de ces objets et la vitesse de leur descente, et comprend qu’un tonneau devient dans ce contexte un véhicule plus adapté que le bateau, ce qui lui permettra d’échapper au sort qui lui semblait assigné.
Le sociologue Norbert Elias, le théoricien des médias Marshall McLuhan, l’illustrateur Fritz Eichenberg, le théoricien Gene Ray, et plus récemment le philosophe Bruno Latour, notamment, se sont référés aux potentialités allégoriques de ce récit pour penser les défis majeurs de leur propre période historique.

Considéré comme un outil, le récit d’Edgar A.Poe nécessite d’être adapté, déplacé et activé dans un certain nombre de situations où il pourra trouver de nouveaux usages. Il permet de collecter de nouveaux récits et témoignages, constituant progressivement un «bagage de récits» (au sens où l’entend l’écrivaine Ursula Le Guin) interrogeant la perception des changements environnementaux et les processus d’adaptation. Qu’il s’agisse de l’histoire des inondations qui ont profondément marqué la ville de Porto Alegre depuis les années 1940, des controverses actuelles sur le développement de l’industrie pétrolière dans l’Arctique norvégien (sur les lieux de la nouvelle de Poe), ou du drame récent d’un affaissement de terrain meurtrier dans une favela de la région de Rio de Janeiro, l’enquête laisse entrevoir une multitude de réponses face à l’émergence de nouveaux risques environnementaux, telles qu’elles se manifestent dans les récits des personnes rencontrées.

Les premiers développements de ce projet ont constitué un répertoire très riche et varié de récits/témoignages et de modèles/diagrammes, qui demande aujourd’hui à être activé dans de nouvelles situations locales. Après avoir réalisé une résidence d’enquête à Porto Alegre (Brésil) pour la 9e Biennale du Mercosul en 2013, puis développé une série de performances au Théâtre de l’Usine basées sur notre voyage dans les îles Lofoten (Norvège) en 2014 et 2015, nous avons initié en août 2016 au Museu de Arte Contemporânea de Niterói une installation basée sur des fragments de nos archives qui allait voyager dans différents lieux, tels que la galerie G-MK de Zagreb en 2016, et le Centre de la Photographie de Genève en septembre 2017. A tale as a tool se présente ainsi comme une assemblée itinérante de récits d’enquête, destinée à accueillir diverses situations publiques – conférences, débats et lectures.

Projets

Biographies

Artiste, écrivaine et chercheuse vivant entre Paris et Rio de Janeiro, Sandrine Teixido (1974) a créé la structure LMEC en 2009 et les éditions ISSUE en 2015. Elle est médiatrice agréé pour l’Action Nouveaux commanditaires musique de la Fondation de France depuis 2011, et titulaire d’un doctorat en ethnologie et anthropologie sociale du Centre Georges Simmel, EHESS, Paris.

Etabli à Genève, Aurélien Gamboni (1979) est artiste, ancien curateur de l’espace d’art Forde, et collaborateur du projet de recherche The Anthropocene Atlas of Geneva de la Haute école d’art et de design (HEAD). Il a mené dès 2010 une enquête de longue haleine sur l’Escamoteur de Jérôme Bosch et l’ »écologie de l’attention », qui lui a valu un prix fédéral d’art en 2016.

Leur collaboration a donné lieu à plusieurs expositions et performances, notamment pour le Festival Les Urbaines à Lausanne (2011), la 9e Biennale du Mercosul à Porto Alegre (2013), le Théâtre de l’Usine à Genève (2014 – 2015), le Musée d’art contemporain MAC à Niterói (2016), la galerie G-MK à Zagreb (2016), le Centre de la Photographie à Genève (2017) et le Festival Indeterminacy à Buffalo (2018).

Contact

N’hésitez pas à nous contacter pour recevoir des informations régulières ou si vous désirez contribuer à notre enquête.

Aurélien Gamboni & Sandrine Teixido
ataleasatool(at)yahoo.com