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Amusement

Edgar Allan Poe, "Une descente dans le Maelström", 1841, traduction de Charles Baudelaire
 

Je regardai au large sur le vaste désert d’ébène qui nous portait, et je m’aperçus que notre barque n’était pas le seul objet qui fût tombé dans l’étreinte du tourbillon. Au-dessus et au-dessous de nous, on voyait des débris de navires, de gros morceaux de charpente, des troncs d’arbres, ainsi que bon nombre d’articles plus petits, tels que des pièces de mobilier, des malles brisées, des barils et des douves. J’ai déjà décrit la curiosité surnaturelle qui s’était substituée à mes primitives terreurs. Il me sembla qu’elle augmentait à mesure que je me rapprochais de mon épouvantable destinée. Je commençai alors à épier avec un étrange intérêt les nombreux objets qui flottaient en notre compagnie. Il fallait que j’eusse le délire, — car je trouvais même une sorte d’amusement à calculer les vitesses relatives de leur descente vers le tourbillon d’écume.