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Admiration et curiosité

Edgar Allan Poe, "Une descente dans le Maelström", 1841, traduction de Charles Baudelaire
 
Vous prendrez peut-être cela pour une fanfaronnade, mais ce que je vous dis est la vérité : je commençai à songer quelle magnifique chose c’était de mourir d’une pareille manière, et combien il était sot à moi de m’occuper d’un aussi vulgaire intérêt que ma conservation individuelle, en face d’une si prodigieuse manifestation de la puissance de Dieu. Je crois que je rougis de honte quand cette idée traversa mon esprit. Peu d’instants après, je fus possédé de la plus ardente curiosité relativement au tourbillon lui-même. Je sentis positivement le désir d’explorer ses profondeurs, même au prix du sacrifice que j’allais faire ; mon principal chagrin était de penser que je ne pourrais jamais raconter à mes vieux camarades les mystères que j’allais connaître.